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Taffarellire

DIES FELINAE Partie 3

17 Janvier 2017 , Rédigé par Emmanuel Taffarelli Publié dans #Nouvelle

Alors que tout s'écroule autour d'eux, Patrick et sa famille trouvent une aide surprenante.

Alors que tout s'écroule autour d'eux, Patrick et sa famille trouvent une aide surprenante.

Au milieu de la nuit, Clara vint dans la chambre de ses parents qu’elle réveilla ; elle avait peur. Hélène la prit dans ses bras. La petite assura qu’elle n’avait pas fait de cauchemar, un drôle de bruit l’avait effrayée. Patrick écouta et entendit effectivement un grattement provenir de la cuisine. Il se leva.

« N’y vas pas, papa ! C’est Wilbur ! Il va vouloir te tuer ! »

Patrick entrouvrit la porte de la cuisine, alluma la lumière et vit Wilbur assis devant lui, dans la position digne d’un maître de maison. Le chat le regardait fixement.

« Wilbur… Tu t’es enfin décidé à rentrer ? Bon, j’imagine que tu as faim. »

Patrick parlait au chat comme il l’avait toujours fait ; cependant, il y avait une petite différence cette nuit : il se méfiait. Il ne quitta pas Wilbur des yeux, lui-même attentif aux moindres mouvements de son maître. Il prit un sachet dans l’armoire, l’ouvrit et le vida dans la gamelle jaune. Au moment de se baisser pour la donner au chat, Patrick remarqua quelque chose dans les vibrisses majestueuses de Wilbur : des traces qui ne pouvaient être que…du sang !

Comme si le félin avait compris qu’il était « démasqué », il cracha très fort, ses yeux s’arrondirent comme des billes et devinrent noirs comme de l’encre de Chine. Il se jeta toutes griffes dehors sur Patrick qui esquiva de justesse l’attaque féline ; il reçut un coup de patte sur le haut de la joue avant de se retourner ; le chat hérissait tous ses poils, prêt à en découdre. Patrick le regarda un instant, le cœur battant :

« Tu crois que tu me fais peur avec tes six kilos ? »

Wilbur feula de plus belle, un cri caractéristique qui ne ressemblait à rien de commun sur Terre. Patrick saisit un ustensile de cuisine à portée de main, se préparant à un nouvel assaut, lorsqu’il entendit des grattements derrière lui ; il se retourna et vit avec horreur des chats énormes pénétrer dans la cuisine par la chatière, l’un derrière l’autre. En quelques secondes, ils furent près de dix autour de Patrick ; ils feulaient et miaulaient, ils allaient attaquer d’un instant à l’autre… Refusant ce combat inégal, Patrick se précipita vers la porte pour l’ouvrir. Il sentit alors les animaux en furie se jeter sur lui, planter leurs griffes dans son dos et mordre ses mollets de leurs dents pointues. Il parvint à ouvrir la porte malgré tout et cria :

« Hélène ! Clara ! Fermez la chambre ! Tout de suite ! »

La douleur sur son corps était aigüe, insupportable ; il se roula sur le sol pour se débarrasser des félins furieux qui s’accrochaient à lui ; ils cherchaient à lacérer son nez, déchiqueter ses joues, percer ses globes oculaires ; il réussit à frapper un, puis deux animaux et courut vers la chambre ; du coin de l’œil, il vit un chat sauter à hauteur de son visage ; il l’évita en lui assénant un grand coup de casserole sur le nez. Il ouvrit la porte de la chambre en hurlant et la claqua derrière lui aussi vite qu’il pût. Dans le mouvement, la patte d’un chat se coinça contre le montant et l’animal poussa un grand cri avant de se dégager.

Patrick tomba dos contre la porte ; il était hors d’haleine, épuisé par cette dernière minute qui l’avait rapproché de l’enfer. Hélène et Clara étaient prostrées en face de lui, dans un coin à côté du lit. Hélène cria :

« Patrick ! Tu es blessé ! Mon Dieu ! »

Les félins criaient et grattaient derrière la porte comme des possédés. Les deux femmes de sa vie étaient sous l’emprise de la frayeur. Assez ! Du sang dans les yeux, Patrick se reprit et décida qu’il fallait agir ; ses nerfs, transformés en airain sous l’effet conjugué de la colère et de la peur, le maintinrent en forme pour sortir sa famille de ce piège. Il s’essuya le visage d’un geste vif et se redressa. Faisant abstraction de la souffrance qui piquait partout, il dit d’une voix forte et claire :

« Hélène ! Ouvre la fenêtre ! On va passer par là pour rejoindre la voiture et foutre le camp ! »

Hélène obéit sans rien dire, trop effrayée. Ils passèrent tous les trois par cette sortie impromptue et se retrouvèrent dans la rue. Patrick craignait plus que tout que les chats fissent le tour pour leur tomber dessus.

« Allez ! Allez ! La voiture est là ! »

Hélène et Clara coururent jusqu’à l’automobile. Patrick avait la clé dans la main ; il actionna l’ouverture à distance et ils se jetèrent à l’intérieur du véhicule. D’une main tremblante sous le coup de l’adrénaline, le père de famille mit le contact. Le moteur toussa une fois et ne démarra pas. La batterie…. !

« Pas maintenant ! Démarre !

—Patrick ! Il faut partir ! Regarde !

—Papa ! Papa ! Ils sont là ! »

Par la lunette arrière, Patrick vit un groupe de chats courir et sauter sur le toit de la voiture. Il insista avec la clé de plus belle, il fallait absolument démarrer ! Dehors, les animaux griffaient la portière et la carrosserie, sautaient sur le capot, hurlaient, crachaient. Ils voulaient absolument pénétrer dans l’habitacle.

« Mais démarre ! Bon sang ! »

Hélène se mit à crier à son tour, n’en pouvant plus ; Clara enchaîna elle aussi. Alors que les filles hurlaient de concert, la voiture consentit enfin à se réveiller ; Patrick enclencha la première comme un chat ouvrait grand sa gueule à quelques centimètres derrière le pare-brise. Il partit en trombe, les animaux glissèrent et tombèrent ; il en sentit un passer sous les roues.

Patrick ne savait pas où aller, il roulait à fond de train dans les rues inondées de peur. Il crut à peine ce qu’il voyait. C’était une vision de cauchemar : comme s’ils étaient guidés par une seule intelligence, des chats par milliers jaillissaient de partout, se jetant sur les gens qui tentaient de fuir par tous les moyens ; ceux qui étaient dans une auto avaient une chance de s’en sortir, quant aux autres… C’était horrible. Patrick songea aux paroles d’Ophélie l’étudiante : ce n’est que le début…

Hélène cria :

« Qu’est-ce qui se passe ? Mon Dieu… ! »

Clara pleurait à l’arrière.

« Je ne sais pas, je ne sais pas… ! »

Patrick dérapa à un moment donné sur le bitume glissant et heurta une personne en sang qui vola au-dessus de la voiture. Comme si le malheureux pouvait l’entendre, il hurla :

« Je n’ai pas fait exprès ! Je suis désolé ! Je suis désolé ! »

Il ne s’arrêta pas, c’était impossible. Tout autour d’eux, dans chaque rue, chaque ruelle, c’était comme si le monde devenait fou et s’écroulait en quelques minutes, victime d’une colère inextinguible de la nature…

Au petit matin, ils parvinrent enfin à sortir de la ville en plein chaos et se retrouvèrent sur une petite route miraculeusement calme, au milieu des arbres. Ils étaient seuls. Patrick ralentit quelque peu ; comme un signe, le moteur cala à ce moment précis et refusa de reprendre. La voiture s’arrêta au milieu de la route. Le silence gagna l’habitacle ; malgré l’inquiétude liée à la panne soudaine, ce fut un moment de plénitude appréciable après la fureur urbaine. Ils avaient échappé à quelque chose de terrible.

« Qu’est-ce qu’on fait ? » osa Hélène qui recouvrait ses esprits.

Patrick hocha négativement la tête, il n’en avait pas la moindre idée. Il serra les doigts autour du volant, essayant de communiquer un peu de vie à la voiture. Il sentait le sang coaguler petit à petit et tirer sur les coupures et griffures. Des larmes montaient à ses yeux.

« Il faut absolument te soigner, ça risque de s’infecter… Mon chéri… »

Elle passa une main affectueuse dans les cheveux poisseux de son mari. Elle vit son regard fixer quelque chose devant lui ; elle tourna les yeux dans la même direction et resta interdite…

Un grand chien, un Danois blanc et noir, flanqué d’un Doberman à la robe foncée et d’un gros berger allemand, se tenaient à quelques mètres de la voiture. Le grand chien observait les humains assis derrière leur vitre et semblait attendre.

« C’est quoi ça encore ? D’où sortent ces chiens ? De la forêt ?

—Attendez là.

—Patrick, qu’est-ce que tu vas faire ? »

Sans répondre, Patrick ouvrit la portière et descendit lentement de l’auto sans quitter le Danois des yeux.

« Attends, c’est dangereux !

—Papa ! Le berger allemand, c’est Rufus ! »

Clara avait raison ; c’était bien le chien de Monsieur Gabrielides. Patrick ordonna :

« Ne bougez pas ! »

Il avança de quelques pas et s’arrêta à moins d’un mètre du grand chien. Celui-ci s’approcha –il arrivait à la taille de Patrick au garrot- le sentit et lui lécha la main nettoyant le sang par la même occasion, sous les yeux d’Hélène et Clara qui observaient cette scène le cœur cognant à tout rompre dans leur poitrine. Le Doberman restait en arrière, montant la garde. Le berger allemand faisait de même. Patrick caressa la tête du grand chien qui se laissait faire. Puis, l’animal se retourna et commença à marcher vers la forêt en compagnie de ses deux impressionnants acolytes; il poussa un petit gémissement vers les humains et attendit une seconde. Patrick éprouva un soulagement.

« Il nous invite à le suivre…

—Quoi ?

—Il veut qu’on les suive. Je crois qu’on devrait le faire.

—Aller dans la forêt ? Mais…

—Où veux-tu aller ? Notre voiture est morte.Tu as envie de retourner là-bas ? »

Patrick désigna la ville au loin ; dans la lumière blafarde du matin, on pouvait distinguer des incendies qui s’étaient déclarés un peu partout ; c’était comme si la cité avait été bombardée pendant la nuit. Est-ce la même chose partout dans le monde ? Un vrai cauchemar.

Hélène et Clara se décidèrent et sortirent de la voiture. La mère prit la main du père qui prit celle de la fille et ils entrèrent tous les trois dans la forêt, en compagnie de leur curieuse escorte. Vers où allaient-ils ? Ils ne le savaient pas. Avec beaucoup de chance, ils avaient simplement survécu à une catastrophe incompréhensible qui allait probablement engloutir le monde tel qu’ils l’avaient connu. Etaient-ils sur le point d’en bâtir un nouveau ?

FIN

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